Cause principale de consultation pour douleurs du genou, le syndrome rotulien est souvent mal soigné car ignoré ou méconnu.


L'articulation fémoro-patellaire.
Il s’agit de l’articulation qui se situe en avant du genou entre la rotule et le fémur. L’articulation fémoro patellaire sert à transmettre la force d’extension du muscle quadriceps à la jambe où il est inséré. Il s’agit d’une véritable chaine de transmission composée du quadriceps (littéralement 4 chefs musculaires) se terminant en un tendon: le tendon quadricipital s’insérant sur la rotule se prolongeant ensuite par le tendon rotulien s’insérant sur la tubérosité tibiale antérieure (TTA).
Mécaniquement la rotule par sa face cartilagineuse s’articulant sur le fémur est comme une poulie transmettant la force d’extension et régulant la force de flexion. Les contraintes cartilagineuses sont extrêmes (plusieurs tonnes au cm2).

Sans rotule pas d’extension complète possible.
Cette chaine de transmission sert également d’amortisseur en particulier à la marche , la course à pied et lors de la réception d’un saut.
Nous utilisons également notre rotule pour nous mettre à genou l’écrasant sans vergogne depuis notre plus jeune âge.
Dés lors nous comprenons pourquoi l’excès de flexion , d’accroupissement, d’écrasement et de sauts sera néfaste pour le cartilage de notre rotule.
Manifestations du syndrome rotulien
Il ne faut pas confondre luxation de la rotule et syndrome rotulien.
La luxation rotulienne correspond à un déboîtement traumatique spontané ou non de la rotule et ne sera pas traité dans ce chapitre.
Le syndrome rotulien (ou fémoro-patellaire) se manifeste par une douleur du genou. C’est le cartilage de la rotule qui souffre et qui déclenche la douleur et la gène. Cette douleur est souvent retardée dans le temps (quelques jours) par rapport à la date de la position vulnérante, la cause initiale ou le traumatisme, quelquefois elle est immédiate (syndrome du cinéma chez les personnes grandes assises longtemps au cinéma ou lors de long trajet en voiture). Il est important de traquer cet instant déclenchant car sa prise de conscience par le patient nous aidera à le guider vers l’acceptation du traitement.
La douleur peut être modérée ou temporairement très vive. Elle siège sur le devant du genou irradiant vers le bas sur la crête tibiale. Elle peut siéger également en arrière dans le creux poplité.
Cette douleur peut apparaître spontanément:

  • syndrome rotulien du jeune lycéen restant assis toute la journée
  • démusculation progressive du sujet âgé ou faire suite à un traumatisme direct sur la rotule.

Il y a en général toujours une cause initiale comme

  • faire son jogging sur du macadam
  • faire du steps en salle de sport,
  • utiliser les escaliers de manière répétée , marcher en montagne (descente)
  • poser du carrelage, bricoler, jardiner...
  • pratiquer certains sports comme le vélo d’appartement, la brasse, le rameur en salle , l’aviron, l’haltérophilie, le tennis sur quick ou ciment, le basket, le hand ball...
  • la conduite prolongée, le voyage en avion, le théâtre, le cinéma par la position «genou fléchi» prolongée peut générer ou entretenir ce syndrome.

Il en résulte que les adolescents (banc de l’école) ou les personnes qui reprennent le sport après une période d’arrêt sont les principales victimes du syndrome rotulien. Plus insidieusement il peut être secondaire à une lésion méniscale non traitée et apparaître au premier plan. Il peut faire suite à une entorse du genou immobilisée trop longtemps dans une orthèse ou une fracture immobilisée dans une résine par atrophie musculaire d’immobilisation.

Une manifestation classique également du syndrome rotulien est l’instabilité antéro-postérieure, le genou se dérobe par perte de tonus musculaire du muscle quadriceps. Il ne faut pas confondre cette instabilité antéro-postérieure d’origine quadricipitale avec l’instabilité rotatoire d’origine ligamentaire.
Cette gêne fonctionnelle peut devenir handicapante, avec un retentissement sur la vie scolaire, professionnelle et sportive.
Comme il ne s’agit pas d’une maladie il n’ existe pas de médicaments pour le soigner ou le prévenir.
Le syndrome rotulien est avant tout un problème de tonus musculaire. Tout individu qui n’a pas un quadriceps suffisamment musclé ou bien qui s’est démusclé à la suite d’une maladie intercurrente peut développer un syndrome rotulien!

Le traitement

En aucun cas le traitement du syndrome rotulien ne doit passer par l'immobilisation du genou dans une orthèse ni même le repos complet car une sous-utilisation des membres inférieurs entraînerait un affaiblissement musculaire avec par voie de conséquence une aggravation des symptômes et donc une augmentation de la douleur.

De même l’utilisation d’une genouillère est à éviter car elle aurait pour conséquence d’écraser la rotule et donc d’augmenter la souffrance cartilagineuse.
La notion d’un traumatisme initial peut nous orienter dans notre attitude thérapeuthique.
La recherche d’ une mauvaise habitude , d’ un mauvais mouvement ou d’un sport néfaste va aboutir à le bannir pour obtenir la guérison.
Sont à éviter:

  • Les mouvements de flexion du genou
    - accroupissement ou position à genoux (bricolage, jardinage...)
    - position assise jambes pliées (voiture, cinéma, bureau...)
    - la montée et surtout la descente des escaliers
    - le port de charges lourdes
  • Les sports sur terrain dur ou en flexion:
    - la bicyclette, la brasse,
    - la marche en montagne,
    - le footing sur terrain dur, le step, le vélo d’appartement,
    - le tennis sur quick, goudron, ciment, le basket, hand, volley, l’haltérophilie, l’aviron, la musculation (rameur, squat, steps...), position d’attente en accroupissement dans les sports de combat...

La recherche d’une cause intra articulaire (chondropathie rotulienne par veillissement du genou ou post traumatique, plica, ménisque...) sera réalisée par examen complémentaire ou arthroscopie en fonction des progrès de la rééducation. Une radiographie sera systématiquement demandée à la recherche d’une arthrose fémoro-patellaire.

Le traitement du syndrome rotulien repose avant tout sur la rééducation

Mais pas n’importe laquelle! Il s’agit de renforcer le quadriceps sans faire souffrir le cartilage de la rotule.
Le quadriceps doit être renforcé en isométrique c’est à dire uniquement en extension et rien qu’en extension (isométrique = contraction sans mouvement ; ce qui est différent de l’isocinétique = contraction avec le même mouvement). Tous mouvements de flexion du genou en force est à proscrire absolument. Il ne s’agit pas de transformer la salle de kinésithérapie en salle de gym! (donc pas de vélo, pas d’exercice proprioceptif en flexion, pas d’extension contrariées, pas d’escalier, pas de steps, pas de ballon, pas de squats etc...).
Il est recommandé d’ effectuer à la maison des exercices de rééducation isométriques et par la suite à la moindre défaillance, pour maintenir la tonicité musculaire du quadriceps.
Le stretching du quadriceps pour lutter contre les quadriceps courts est une bonne chose également.

L’hygiène de vie rotulienne 

Elle est également indispensable à la guérison ou plutôt la rémission, car un syndrome rotulien ne faisant plus souffrir peut toujours réapparaître si les conditions de sa survenue sont de nouveau réunies.
Il faut en particulier rompre le cercle vicieux de la douleur:

La compréhension et l’intérêt du patient pour sa pathologie est indispensable à sa guérison ou à l’acceptation des contraintes du traitement. Le patient doit avoir bien en tête le «cercle vicieux» ci-dessus car il doit prendre en main son traitement. Les petits moyens et une véritable hygiène de vie sont indispensables:
Si vous souffrez en montant les marches: pensez à poser le talon en premier sur la marche et non la plante du pied. Le transfert de poids sera plus favorable à votre rotule.
Quand vous vous relevez d’un canapé ou d’une chaise et que vous ressentez une douleur postérieure du genou (creux poplité): pensez à faire quelques pas en extension forcée de la jambe, la douleur disparaît alors instantanément.
Certains sports sont à mon sens indispensables également au bien-être et à la guérison ainsi qu’à la prévention de la récidive.
Il s’agit avant tout de la marche: longue marche rapide, à un rythme soutenu ou bien marche décontractée peu importe: il faut marcher , marcher , marcher!
Le crawl (mais pas la brasse) est bénéfique car les battements des jambes sont de la pure rééducation isométrique des quadriceps.

Certains sports seront secondairement possibles:

  • Le jogging (mais quand vous n’aurez plus mal) avec des chaussures ad hoc avec semelles amortissantes sur un terrain souple (sous bois, planches mais pas sur du macadam!).
  • Paradoxalement le ski n’est pas déconseillé car l’usage des chaussures de ski sur les télésièges jambe tendue s’apparente également à de la rééducation isométrique du quadriceps. Même si le froid est déconseillé pour les rotules et que la position assise l’est également (voyage de retour en voiture!).
  • Le football (attention au football en salle ou les terrains secs avec crampons métalliques).
  • La planche à voile, athlétisme, rugby, tennis sur terre battue sont possibles.

Evolution

La rééducation bien conduite doit avoir un effet dès les premières séries de rééducation.
Il n’y a rien de grave, certes la cicatrisation du cartilage sera longue.
Il faut à tout prix se méfier de la flexion du genou (ne jamais tester la flexion «pour voir»). Il faut marcher le plus possible. Il faut faire des exercices d’extensions soit au repos, soit en marchant plusieurs fois par jour. Quand la douleur survient, pensez à étirer votre jambe en extension et marcher le genou en extension pointe de pied relevée pour réveiller le quadriceps et soulager le muscle poplité.

Si les choses ne s’améliorent pas:

  • - soit la rééducation est mal réalisée,
  • - soit il y a une cause sous-jacente.

Votre médecin pourra alors vous faire passer des examens complémentaires en fonction de l’historique de votre syndrome rotulien.
Une radiographie avec en particulier un défilé fémoro-patellaire à la recherche d’une hyperpression du versant externe de la rotule voire déjà de l’arthrose fémoro-patellaire.


Une IRM à la recherche d’une lésion méniscale muette,


Une arthroscopie pourra également vous être proposée devant ce syndrome rotulien résistant à la rééducation isométrique du quadriceps à la recherche d’un plica médiopatellaire fibreux venant frotter sur le cartilage de la rotule ou pour faire le traitement d’une chondropathie post contusive en clapet mobile d’un versant articulaire de la rotule empêchant la guérison spontanée. Elle pourra mettre en évidence une chondropathie rotulienne de différents stades (cartilage usé).

Un Scanner à la recherche d’une anomalie morphologique d’insertion du tendon rotulien qui pourrait alors aboutir ensuite (si échec des autres méthodes) à une transposition de la Tubérosité Tibiale Antérieure (TTA) ou un geste de décompression par section de l’aileron rotulien externe.

En conclusion

Il n’y a rien de grave, certes la cicatrisation du cartilage sera longue,
Il faut à tout prix se méfier de la flexion du genou (ne jamais tester la flexion «pour voir»). Il faut marcher le plus possible. Il faut faire des exercices d’extensions soit au repos, soit en marchant plusieurs fois par jour et il faut marcher beaucoup.