La pubalgie est relativement rare chez le coureur à pied ; elle se rencontre plus volontiers dans des sports à changements de directions (football par exemple) ou avec une alternance d’appuis unipodals brutaux telles que les haies, le steeple ou les sauts en athlétisme. Lorsqu’elle se développe chez le coureur à pied on retrouve en général une augmentation brutale du kilométrage, une modification de l’entraînement avec l’introduction de séances de fractionnés dures ou encore des sorties répétées sur terrain accidenté.

Définition 

La pubalgie se définit comme une souffrance de la symphyse pubienne et des insertions tendineuses de voisinage, c’est donc une maladie loco-régionale; ce n’est pas simple puisqu’ il s’agit d’une pathologie qui regroupe plusieurs entités qui sont parfois intriquées :

  • la pathologie articulaire de la symphyse pubienne.
  • les tendinites d’insertion (des adducteurs entre autre).
  • et la pathologie de la paroi abdominale

On retrouve à l'origine de ce syndrome, soit un traumatisme aigu entraînant d'emblée des lésions et les douleurs, soit des microtraumatismes répétés qui développent et entretiennent une lésion.

Un peu d’anatomie 

La symphyse pubienne est une articulation pratiquement immobile en avant du bassin en regard de la vessie.
Les muscles adducteurs forment un triangle à la face interne de la cuisse et sont composés de trois couches :

  • Supérieure avec le muscle pectiné, le moyen adducteur et le droit interne ; ils s’insèrent au bord inférieur du pubis.
  • Moyenne avec le petit adducteur qui s’attache sur la branche supérieur du pubis
  • Et la couche profonde constituée par le grand adducteur qui naît plus en arrière sur la branche ischio-pubienne.

Les muscles abdominaux avec le grand droit, les fameux « carré de chocolat », à l’avant de l’abdomen qui s’étendent des faces antérieures des 5-6 et 7 éme cotes jusqu’au pubis. Sur les cotés ou les flans on retrouve les muscles aplatis et larges de la paroi latérale, ce sont de chaque coté le petit et grand oblique ainsi que le transverse ; ils sont reliés au grand droit par des lames fibreuses.
Il existe dans cet ensemble de muscles abdominaux des orifices et des canaux complexes ; le plus important pour nous est l’anneau inguinal qui est compris entre deux faisceaux du grand oblique car il représente une zone de faiblesse musculaire.

Motif de consultation

Le sportif se plaint de douleurs de la région inguinale et sus ou sous-pubienne uni- ou bilatérale, avec ou sans irradiation vers les testicules, la base des adducteurs ou la racine de la cuisse. La douleur peut s’atténuer au début de l’effort pour être plus importante à froid, puis dans un second temps devient constante imposant progressivement l'arrêt du sport.

Cause des douleurs

La pubalgie demeure une maladie difficile à appréhender en raison de la complexité anatomique de la région pubienne et de l'intrication fréquente de plusieurs pathologies dans le tableau clinique. Elle apparaît pour certains comme un déséquilibre mécanique musculaire entre, d'une part, les adducteurs trop puissants et, d'autre part une insuffisance des muscles larges de l'abdomen (transverses et obliques). Pour d'autres, l'existence d'ischio-jambiers courts avec hyperlordose et antéversion du bassin joueraient un rôle favorisant en sollicitant exagérément la symphyse pubienne.
Lors de la course à pied il va se produire une alternance d’appui pied droit puis pied gauche entraînant une force de cisaillement sur la symphyse pubienne ; ces contraintes seront exagérées si il existe des anomalies statiques de l’athlète ou encore un déséquilibre dans les forces des différents muscles s’y rattachant.

Examen clinique

On considère plus la pubalgie comme un diagnostic d'élimination, il faudra donc écarter les autres causes de douleur de la région inguino-pubienne.
L'examen clinique recherchera un déséquilibre entre la musculature des muscles abdominaux et celle des adducteurs, plus importante.
L'inspection apporte des renseignements sur la statique du sportif. Une différence de longueur des membres inférieurs doit être recherchée. Le morphotype de ces patients montre souvent une attitude en hyperlordose (bas du dos très cambré), des ischio-jambiers ainsi que des adducteurs musclés et rétractés.
On recherchera l'insuffisance de musculature des muscles larges de l'abdomen en particulier du transverse de l'abdomen (signe de Malgaigne).
La palpation du pubis permet de rechercher une douleur voir parfois un craquement lors de la mobilisation de la symphyse pubienne. La palpation, l’étirement et la contraction contre résistance des adducteurs recherche une douleur à leurs insertions ou à leurs jonctions tendino-musculaire. Sur la paroi abdominale on recherchera une douleur à l'insertion des muscles.
L'exploration de l'orifice externe du canal inguinal permet de noter son indolence et la présence d'une hernie ou d'une "pointe de hernie".
Enfin, un examen complet du rachis et des hanches sera effectué.

Les diagnostics différentiels 

En premier lieu chez le coureur à pied on recherchera des signes de fracture de fatigue du bassin et de la hanche.
Une tendinite vraie des adducteurs, des muscles abdominaux ou une pathologie musculaire.
Une pathologie articulaire de la hanche comme l’arthrose par exemple.
Une hernie inguinale. Bien entendu une pathologie inflammatoire, infectieuse ou tumorale. Une pathologie vertébrale.

Les examens complémentaires 

  • Une radiographie du bassin de face debout et de la symphyse pubienne sera couramment demandée à la recherche d’une pathologie de l’articulation de la symphyse pubienne et à la recherche d’une bascule du bassin témoin d’une inégalité de longueur des membres inférieurs. Une incidence de face centrée sur la symphyse pubienne en appui monopodal alterné cherche à mettre en évidence une instabilité de la symphyse ; celle-ci est affirmée s'il existe un décalage vertical variable des branches horizontales du pubis de plus de 3 mm. Cette instabilité est rarement retrouvée (8 % des cas) et ne surviendrait qu'en cas d'atteinte concomitante de l'articulation sacro-iliaque.
  • Une numération formule sanguine ainsi qu'une vitesse de sédimentation sont systématiques pour rechercher une éventuelle atteinte infectieuse ou inflammatoire concomitante.
  • L'IRM n’est pas systématique mais elle permettra de visualiser les lésions musculaires et tendineuses si la clinique montre une souffrance à ce niveau et si la pathologie traîne malgré un traitement bien conduit.

Les traitements

Médical :
Le traitement de la pubalgie, une fois le diagnostic assuré, est et doit rester médical. Le bilan clinique avant le traitement est fondamental pour déterminer le type de pubalgie et pouvoir adapter au mieux les traitements.

  • Le repos sportif sera toujours nécessaire de un à trois mois selon le type de lésion et son ancienneté.
  • Les anti-inflammatoires seront souvent prescrits, quelquefois même sous forme de cortisone en comprimés.
  • La rééducation est indispensable. Elle associera la physiothérapie (glaçage, ultrasons, ionisations), des étirements passifs en règle sur les ischio-jambiers, les adducteurs et les rotateurs externes de hanche, et enfin un travail des abdominaux, assis, jambes fléchies sur un tabouret. La reprise de la course se fera progressivement sur tapis en salle avant un retour à l'entraînement qui doit être progressif après échauffement et étirements.
  • Les infiltrations peuvent être tentées sur les tendinopathies des adducteurs mais exposent aux risques de rupture tendineuse. La mésothérapie peut être utile selon la localisation.
  • Dans certain cas, des semelles orthopédiques ou bien encore l’ostéopathie peuvent être envisagées. Il est important de distinguer les véritables tendinites isolées des adducteurs de la véritable pubalgie. En effet, dans le cas d'une tendinite, le traitement médical associant repos, anti-inflammatoires, infiltrations, physiothérapie, et kinésithérapie doit permettre le plus souvent la guérison ; le traitement chirurgical, dans ce cas, n'a que peu d'indication. La pubalgie vraie guérit par contre rarement avec le traitement médical, mais celui-ci doit toujours être tenté. Les méthodes chirurgicales ont ici plus d'indications. Cependant, cette distinction n'est pas toujours facile, une tendinite pouvant en effet évoluer vers une véritable pubalgie. En cas d'échec du traitement médical, le recours à la chirurgie est envisagé. Les types ostéo-tendino-musculaires ont une réponse plus favorable à la rééducation que les formes pariétales pures.

Chirurgical :
La pubalgie apparaît, pour beaucoup, comme un déséquilibre mécanique au niveau musculaire qui peut être corrigé chirurgicalement de deux façons :

  • soit par une détente des muscles adducteurs, ceux-ci étant considérés comme trop forts,
  • soit par une mise en tension des muscles larges de l'abdomen (intervention de Nesovic).Le principe de l'intervention est basé sur le rééquilibrage de la symphyse pubienne par la mise en tension des muscles larges de l'abdomen. Cette intervention doit être menée symétriquement des deux côtés même si les douleurs sont unilatérales.

En post-opératoire, le patient reste au lit avec un oreiller sous les genoux pendant 48 heures. Le lever est autorisé au huitième jour. Il n'y a pas de kinésithérapie. La reprise de l'entraînement est permise au troisième mois post-opératoire, et la reprise sportive entre le quatrième et le sixième mois, suivant les réactions du patient.
La chirurgie est surtout pratiquée dans les pubalgies dues à une insuffisance pariétale abdominale, avec élargissement de l'orifice inguinal, elle donne entre 70 et 90% de bons résultats.

La prévention 

Compte tenu de la complexité de la pathologie et de l’inconstance des résultats de ces traitements il vaut mieux la prévenir que d’essayer de la guérir. La prévention faite depuis une quinzaine d’année dans les clubs de football explique la diminution de l'incidence de la pubalgie et il faut l’appliquer aujourd’hui à l’ensemble des sportifs quelque soit leur niveau de pratique.
La prévention peut se faire à plusieurs niveaux.

  • Des exercices d'assouplissement, ils sont à conseiller lors de tout entraînement, mais surtout en fin de course. d'un travail personnel basé sur le couple contraction-relachement et qui doit prendre en considération le plan postérieur avec les ischio-jambiers mais aussi le plan antérieur en insistant sur l'ilio-psoas et le quadriceps.
  • Un renforcement des muscles larges de l’abdomen, stabilisateur du bassin.
  • Un apport hydrique suffisant.
  • La correction des troubles de la statique que le médecin pourra détecter lors de la visite d’aptitude avec la confection de semelles orthopédiques par exemple.

Conclusion 

La pubalgie est un syndrome douloureux du carrefour pubien et doit être un diagnostic d'élimination en particulier chez le joggeur. Il faut surtout retenir que le traitement préventif est primordial quotidiennement et dès l'apparition des premiers signes. Seul celui-ci peut faire diminuer l'incidence de cette pathologie.
En cas de persistance, le traitement est avant tout médical et basé sur le repos et la rééducation. Les indications chirurgicales sont réservées aux formes rebelles ne répondant pas au traitement médical bien mené.